My lady story
Dix-huit heures en Inde. Ma première journée à Bombay se fondait dans la circulation chaotique, le front collé à la vitre de ce taxi fou, déjà enchaînée probablement, j’allais quelque part sans savoir où, enfin l’important c’est que j’allais prendre un bus, voilà, ce serait ma première étape.
Mon sac dépassait de ma queue de cheval, j’avais les mains pleines de tout et probablement de beaucoup de poussière, mais j’y allais, c’était sûr ; je grimpais avec force cuisses les marches un peu trop hautes dudit bus qui deviendrait, le savais-je alors, le lieu d’une révélation qui ne me quitterait plus. Echelle métallique, rideaux troués, cuir en plastique qui fait iik iik quand on bouge avec nos jeans dessus, un cachet de Malarone avalé au mango juice, et ce couloir d’entre les couchettes, étonnant : un bus de bunk beds, je n’avais jamais vu ça. Du haut de mon lit superposé je rêvassais à cette Bombay à peine effleurée que je quittais déjà, pincement partout et surtout au ventre, au coeur, partout où les vraies choses se passent ; je tournais en boucle sur un seul sujet et pour la première fois, aucun homme n’en était responsable.
Seize heures de trajet, les immeubles déchiquetés d’abord puis quelques palmiers, et enfin la terre rouge que l’on devinait malgré le ciel de plus en plus noir. Les phares bordéliques, le chauffeur qui pile, accélère, enchaîne les coups de volants violents – la peur au bide, mes doigts qui se crispent sur la jambe de mon compagnon de voyage, nous allions probablement nous renverser puis enfin cette pensée : pitié non, j’ai envie de vivre !
Pas de me dire que c’était le moment, peut-être, de quitter tout ça (les odeurs, les couleurs, la chair).
Nous étions le 12 janvier, je suis tombée amoureuse de l’Inde cette nuit-là — précisément.